La Mémoire du débarquement en Provence du 15 août 1944 est souvent éclipsée par l'épopée alliée du 6 juin 1944 en Normandie. Pourtant, cette opération représente un événement historique majeur de la Seconde Guerre mondiale.

Opération « Anvil – Dragoon »

Un débarquement dans le Sud de la France

L’idée d’un débarquement dans le sud de la France est un projet longuement débattu par les Alliés et leurs états-majors, notamment lors des conférences interalliées réunissant Américains, Britanniques et Soviétiques. 

En novembre 1943, lors de la conférence interalliée de Téhéran, l’opération Overlord (débarquement allié en Normandie) est décidée. Le Premier ministre britannique, Winston Churchill, s’oppose alors à la proposition d’un second débarquement, complémentaire à Overlord, dans le Sud de la France. 

Toutefois, en janvier 1944, un état-major appelé « Force 163 » et basé en Algérie, est chargé de préparer une opération amphibie dans le Midi. 

Cette opération « Anvil » (Enclume) doit permettre d’ouvrir un second front en France, prenant ainsi en tenaille les forces allemandes avec les troupes d’Overlord, mais aussi de libérer les ports de Toulon et Marseille pour y acheminer hommes et matériels.

Le 15 août 1944 est la date retenue pour le lancement de l'opération rebaptisée "Dragoon" sur les côtes de la Provence, destinée à ouvrir un second front sur le territoire français. 2 000 bâtiments de guerre et autant d'avions vont y participer. La 7e armée américaine du général Patch, qui comprend les forces françaises de l'armée B commandées par le général de Lattre de Tassigny, arrive en vue des côtes dans la nuit du 14 au 15 août.
 
En Provence, les résistants ont été prévenus par Radio-Londres. Peu après minuit, tandis que les Rangers américains prennent pied dans les îles du Levant, les premiers commandos français s'emparent du Cap Nègre et vont conquérir une tête de pont vitale autour du Lavandou. Dans la nuit, plus de 5 000 parachutistes alliés sont largués au-dessus de la vallée de l'Argens pour verrouiller les voies d'accès aux zones de débarquement. Ils vont y trouver l'appui des Forces françaises de l'intérieur.
 
À l'aube, un bombardement aérien et naval écrase les batteries allemandes. A 8 h, les 3e, 36e et 45e divisions d'infanterie américaines (D.I.U.S.) se lancent sur les plages côtières entre Cavalaire et Saint-Raphaël. Le 16, le gros des forces françaises commence à débarquer. Tandis que les forces américaines vont remonter vers la Durance et la Vallée du Rhône, l'armée B doit prendre Toulon et Marseille, ports vitaux pour la stratégie des Alliés.

Le 20 août, l'encerclement de Toulon commence. Alors que les Commandos et les Chocs s'emparent des batteries ennemies, Français Libres, Algériens, " Marsouins " de la Coloniale et Sénégalais rivalisent de courage pour prendre la ville. La 9e division d'infanterie coloniale (D.I.C.) va finir de nettoyer Toulon de ses occupants. Le 28 août, la garnison allemande se rend. Parallèlement, de Lattre a lancé ses troupes vers Marseille. Aubagne est prise par les Marocains. La 3e division d'infanterie algérienne (D.I.A.) du général de Monsabert prend position aux abords de la cité phocéenne où l'insurrection a éclaté. Le 23 août, tirailleurs et cuirassiers rejoignent les résistants. Cinq jours de combats violents seront nécessaires pour réduire les défenses allemandes. Les deux ports ont été conquis avec un mois d'avance sur les prévisions. Les armées françaises vont désormais remonter la vallée du Rhône pour contribuer à repousser l'ennemi.

Cette opération, pensée en complément de l’opération Overlord, permet aux Alliés de disposer des ports de Toulon et de Marseille, de libérer l’axe rhodanien et d’accélérer ainsi la libération du territoire et leur progression vers l’Allemagne. Elle marque également le retour de la France dans la guerre : sur les 350 000 soldats ayant pris part à l’opération Anvil-Dragoon, plus de 70 % étaient français. 

Ainsi, s’il s’agit bien d’un second débarquement, survenu deux mois après celui de Normandie, le débarquement de Provence n’en est pas pour autant secondaire. 

L’importance numérique des troupes françaises débarquées sur les côtes provençales, leur rôle dans la réussite de l’opération et de la campagne militaire qui s’ensuit, participent à assurer à la France une place parmi les vainqueurs et, aux lendemains du conflit, à retrouver son rang de grande puissance dans le concert européen et mondial. Ces effets sont encore perceptibles aujourd’hui.

Les heures sombres de l’Occupation peuvent paraître bien lointaines à une génération née au siècle suivant. Les territoires, marqués par les combats au sortir de la guerre, ont été reconstruits et ces cicatrices ont été assimilées par les paysages. Les modes d’information et de communication ont évolué et offrent une caisse de résonnance et une audience aux thèses des plus farfelues aux plus dangereuses qui sapent insidieusement le savoir social, la connaissance collective de ce qui s’est produit, de notre histoire.

Petit à petit, les témoins et les acteurs des événements de l’été 1944 disparaissent. Certains ont voué leur vie à témoigner, à porter leur message de paix et de vigilance, conscients de l’inexorable marche du temps sur les pentes glissantes de l’oubli.

Pourtant, il demeure primordial de se souvenir, non seulement pour honorer le sacrifice de ceux qui ont conquis notre liberté, mais aussi pour tirer des leçons du passé. 

Parce que sans exemple, pas de modèle.
Se remémorer les parcours de ces milliers d’hommes et de femmes, de toutes origines, de tous milieux, de toutes régions du monde, qui se sont levés pour la France et contre l’oppression Nazie montre à quel point l’engagement de chacun pour le vivre ensemble est important. Car s’il est à la portée de tous de faire une différence, l’implication de chacun n’en est pas moins admirable. La mémoire de ceux qui ont choisi d’agir doit être saluée et préservée, car nous leur devons la liberté.

Parce que sans connaissance scientifique et historique, pas d’opinion éclairée sur le monde qui nous entoure. Connaître l’histoire permet de développer sa capacité d’analyse, son esprit critique, et préserve la faculté de discernement. Elle permet d’apprendre à contrer les idées préconçues, les raisonnements douteux, les fausse nouvelles, et à éviter les écueils des raccourcis fallacieux, des comparaisons déplacées et de la banalisation de l’intolérance.

Parce que sans valeurs partagées, pas de communauté nationale.
La mise en perspective de ce qui est, de ce qui a été, de ce qu’il en coûté, permet d’identifier ce qui doit être sauvegardé, ce qui mérite cet engagement, et de comprendre des notions telles que les libertés fondamentales, les valeurs républicaines, la citoyenneté, la démocratie.